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Présentation du Giro 1909

Le premier Giro est disputé du 13 au 30 mai 1909, en parallèle du Tour de Belgique, créé l’année précédente et qui avait immédiatement rencontré une grande popularité. Cette concomitance est à l’origine du forfait tardif de l’équipe Alcyon, davantage disposée à envoyer ses champions sur les routes belges pour lui assurer sa publicité.

Le contexte

La saison 1908 a vu Petit-Breton devenir le premier coureur à remporter deux Tour de France, dans la foulée de sa première victoire en 1907. À l’issue de la course, « l’Argentin » surprend : à seulement 25 ans, il décide de se retirer de la compétition pour s’installer en tant que commerçant à Périgueux où il dirige une agence Peugeot.

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Petit-Breton était dôté d'une grande science de la course. 

Le champion français, également vainqueur de Milan-San-Remo (1907) et de Paris-Bruxelles (1908) avait pris soin de désigner son successeur : François Faber. Un Luxembourgeois résidant en région parisienne qui avait hérité du surnom de « Géant de Colombes » pour sa grande taille. Second sur le Tour de France, le jeune coureur s’était distingué en fin de saison en enlevant le Tour de Lombardie.

Parmi les autres grands coureurs de la période, citons Cyrille Van Hauwaert, auteur en 1908 d’un doublé Milan-San-Remo / Paris-Roubaix, exploit seulement réédité depuis par Sean Kelly (1986) et John Degenkolb (2015). Le Belge ne fut d’ailleurs pas loin de signer un triplé mémorable en remportant Bordeaux-Paris, la plus grande course en ligne de l’époque, mais il fut victime dans le final d’une entourloupe de son équipier Louis Trousselier, le vainqueur du Tour 1905, qui s’en allait signer un nouveau succès de prestige.

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Van Hauwaert est considéré comme le premier grand champion belge de l'histoire du cyclisme. 

En 1909, le début de la saison est marqué par la victoire de Luigi Ganna sur Milan San Remo, épreuve sur laquelle il domine les cadors de l’équipe Alcyon (Georget 2e , Van Hauwaert 4e et Faber 6e), ce qui atteste de la valeur de l’Italien, déjà 5e du Tour de France 1908. Notons toutefois la malchance de Georget, victime de trois crevaisons et d’une erreur de parcours sans lesquelles il aurait largement gagné la course. Côté italien, on peut souligner la 3e place de Giovanni Cuniolo et la 5e positiode l’aussi talentueux que sans scrupules Giovanni Gerbi (voir le rocambolesque Tour de Lombardie 1907).

Une semaine après Milan San Remo, le tout jeune Octave Lapize remporte son premier Paris-Roubaix en devançant au sprint Trousselier. « Trou-Trou » est décidément peu en réussite cette année-là, puisqu’il finit une nouvelle fois second sur Bordeaux-Paris, derrière Van Hauwaert qui prenait sa revanche de l’année précédente et remportait l’épreuve une seconde fois après 1907.

Le parcours

Le premier Giro d’Italia est composé de huit étapes pour une distance totale légèrement inférieure à 2 500 km (2 435 officiellement, ce qui, comme la plupart des distances de ces époques, est plus à prendre comme un ordre de grandeur qu’une réalité exacte). Le départ et l’arrivée sont donnés depuis Milan, siège de l’organisateur, la Gazzetta dello Sport. Un jour de repos est accordé entre chaque étape.

Première observation : la montagne est pratiquement absente du tracé. Celui-ci évite l’épine dorsale de l’Italie, ainsi que les Dolomites et les Alpes. La principale difficulté réside donc dans la longueur des étapes et surtout dans les conditions de course avec des routes qui, pour la plupart, ne sont pas asphaltées et en très mauvais état.

Les deux premières étapes sont plates et devraient simplement permettre de dégager une première hiérarchie parmi les hommes forts.

La troisième étape, reliant Chieti à Naples, présente en revanche un profil accidenté dans sa première partie. Les coureurs auront plusieurs ascensions à gravir dont une montée assez exigeante vers Roccaraso (18 km à 5% avec des passages à 12%) mais dont le sommet se trouve loin de l’arrivée. Ainsi, les 120 derniers kilomètres de l’étape sont globalement plats.

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Parcours du Tour d'Italie 1909.

La quatrième étape (Naples-Rome) est sans grand relief si ce n’est une belle bosse à Labico, à une vingtaine de kilomètres seulement de l’arrivée. Les coureurs feront face à un profil similaire dans la sixième étape entre Florence et Gênes, où ils rencontreront un final encore plus corsé. En effet, ce n’est pas une bosse qui les attend mais un véritable col, le col du Bracco, globalement roulant, mais long de 15 km. D’autant que plusieurs capi resteront ensuite à escalader en longeant le littoral jusqu’à Gênes.

L’étape-reine du Giro 1909 est néanmoins la suivante, entre Gênes et Turin. Elle présente trois ascensions relativement difficiles. Les deux premières s’enchaînent dans la première partie de l’étape avec d’abord le San Bartolomeo puis le Colle di Nava (10 km à 6,8%). A mi-parcours se présente la montée vers le Sanctuaire de Vicoforte, longue de 8 km en très mauvais état.

Le règlement

Comme sur le Tour de France depuis 1905, le classement général s’établit aux points, par addition des places obtenues sur chaque étape. Le premier obtient ainsi 1 point, le second 2 points, etc… Le vainqueur final est celui dont le total est le plus faible.

Précisons que sur chaque étape, la seconde moitié du peloton obtenait le même nombre de points pour plafonner le nombre de points distribués (et parce qu’il était impossible de classer avec certitude l’ordre de tous les coureurs lorsqu’ils arrivaient en peloton. Il n’y avait pas de caméra, et encore moins de photo-finish en ce temps-là !). 

Ce mode de classement aux points semblait alors préférable car, à l’époque, le mauvais état des routes et du matériel provoquait de nombreux incidents mécaniques qui pouvaient engendrer des pertes de temps très importantes. Pour minimiser l’impact des ennuis mécaniques sur le classement général (mais aussi pour éviter les fraudes), les organisateurs de courses par étapes préféraient alors retenir un classement aux points plutôt qu’au temps.

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Le Giro 1909 rencontra un vif succès populaire, au-delà des espérances des organisateurs.

Le peloton, composé de 127 participants, était divisé en deux catégories : les « groupés » et les « individuels ». Les groupés étaient sous contrat avec une équipe de marque tandis que les individuels étaient des coureurs amateurs qui ne pouvaient compter sur aucune assistance. La notion d'équipe était toutefois encore floue. Il n'y avait en effet ni stratégie d'équipe, ni hiérarchie entre les coureurs d'une même équipe qui ne portaient d'ailleurs pas un même maillot en course. Les contours flous de ces structures peuvent s'illustrer par le témoignage de Dario Beni qui revient sur les circonstances dans lesquelles il a été enrôlé par la Bianchi : « au cours de la première étape, lors du ravitaillement à Padoue, je me suis rendu sur le banc où se trouvaient les Bianchi parce que, bien que je ne courais pas pour eux, j'utilisais tout de même un vélo Bianchi : au lieu de me donner à manger, ils m'ont donné deux gifles ! [...] Après l'arrivée, puisque j'avais le maillot gris comme Luigi Ganna, tout le monde m'a dit « bravo Ganna, bravo Ganna » ! J'ai du expliqué que non, je n'étais pas Ganna. Cependant, Tomaselli, le patron de Bianchi, est arrivé et m'a emmené à Bologne, avec un dîner et une nuitée offerts par Bianchi ».

Notons cependant que, contrairement au Tour de France où Henri Desgrange combattait avec fermeté « l’esprit d’équipe » et interdisait l’entraide entre coureurs, les organisateurs du Giro autorisent la collaboration au sein d'un groupe, ainsi que l’assistance en cas de problèmes mécaniques pour les coureurs membres d'une équipe. Néanmoins, les vélos étaient tous poinçonnés avant le départ et les coureurs avaient l’obligation de terminer l’épreuve avec les mêmes pièces essentielles de leur bicyclette d’origine. Le poinçonnage eut lieu la veille du départ, de 13h à 18h, dans la grande salle du jardin du théâtre Margherita à l'Albergo Loreto (Milan).

Sur le modèle de la distinction introduite lors du Tour de France 1908, les organisateurs du Giro avaient également créé un prix parallèle au classement général, le Grand Prix Wolber, destinés aux coureurs munis de pneus « démontables » (pneus avec tringles) par opposition à ceux utilisant des pneus « non-démontables » (boyaux).  

Les favoris

Difficile de dégager un grand favori avant le départ. Logiquement, Petit-Breton (Stucchi) devrait faire figure d’épouvantail mais il vient juste de reprendre la compétition après avoir interrompu sa carrière dans la foulée du Tour 1908. Son état de forme est une inconnue. À ses côtés figure un autre vainqueur du Tour, Louis Trousselier, dont la pointe de vitesse pourrait bien faire des merveilles lors des étapes de plaine.

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Ganna avait pour surnom le « re del fango » (littéralement le « roi de la boue »).

Côté italien, le meilleur atout semble être Ganna (Atala). Coureur très résistant, il a déjà montré ses qualités sur les courses par étapes lors du précédent Tour de France et vient de remporter sa première grande classique avec Milan-San-Remo. Il a toutefois la mauvaise réputation de manquer d’initiatives. Dans son équipe, on retrouve l’expérimenté Eberardo Pavesi, reconnu pour sa grande intelligence de course, lui que l’on surnomme « le Professeur » ou bien « l'Avocat » pour son éloquence et sa tendance à défendre les intérêts du peloton. 

Autre coureur italien à avoir déjà démontré ses qualités sur les courses à étapes en remportant le Tour de Sicile en 1908 : Carlo Galetti (Rudge Whitworth). Petit et trappu, il passe lui aussi pour un « suceur de roues » aux yeux de la presse. Dans son équipe, les regards sont également tournés vers Cuniolo, triple champion d’Italie en titre. Dôté d'un style élégant, il apparaît comme un coureur complet, aussi résistant que les meilleurs routiers et aussi rapide que les meilleurs sprinters.

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Cuniolo était encore fringant aux côtés de Coppi en 1951 !

De son côté, la Bianchi semble un ton en-dessous. Emmenée par Gerbi, celui-ci se présente au départ avec quelques kilos en trop. Heureusement, l’équipe peut compter sur Rossignoli et Canepari, deux coureurs ayant montré une certaine solidité sur le Tour 1908 en terminant respectivement 10e et 12e.

Enfin, notons la présence de la coqueluche du public, le pistard Romulo Buni, qui s'était rendu célèbre en 1893 en dominant les champions de vitesse français Médinger et Cassignard. Cycliste le plus connu d'Italie, il est alors âgé de 38 ans et a accepté de sortir de sa retraite à la demande de la Gazzetta, qui espère ainsi stimuler l'intérêt du public. 

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